Un système d’intelligence artificielle développé par le programme « Artificial Intelligence in Medicine » de Harvard permet désormais d’estimer l’âge biologique d’un patient à partir d’une simple photographie du visage. C’est ce que révèle une étude publiée dans The Lancet Digital Health, qui suggère que cet outil, baptisé FaceAge, pourrait affiner les décisions thérapeutiques en oncologie, notamment en soins palliatifs.
L’étude a été menée sur plus de 6 000 patients atteints de cancer aux États-Unis et aux Pays-Bas. « Nos résultats montrent que l’apparence faciale contient une information biologique précieuse, qui dépasse l’âge chronologique et qui est associée à la survie », indique le Pr Hugo J.W.L. Aerts, auteur principal. En moyenne, les patients atteints de cancer paraissaient près de cinq ans plus âgés que leur âge réel, une différence significative corrélée à une moins bonne survie, même après ajustement sur les facteurs cliniques classiques.
L’algorithme a été formé à partir de plus de 56 000 images de visages sains issus de bases de données publiques, puis validé sur quatre cohortes cliniques, dont celle du centre MAASTRO à Maastricht. Dans cette dernière, l’analyse de survie montre une hazard ratio de 1,15 par décennie d’augmentation de l’âge facial estimé (p=0,013), contre une absence de valeur prédictive significative pour l’âge chronologique.
Dans le contexte des soins palliatifs, les chercheurs ont intégré FaceAge au modèle clinique TEACHH, utilisé pour estimer la survie à 6 mois. Résultat : la performance prédictive du modèle a été significativement améliorée, passant d’une aire sous la courbe (AUC) de 0,74 à 0,80 (p<0,0001). Un test réalisé auprès de dix médecins a également montré que leur capacité à estimer la survie s’améliorait avec l’intégration du modèle FaceAge.
Outre sa valeur clinique, l’algorithme a été associé à des marqueurs moléculaires du vieillissement, notamment au gène CDK6, impliqué dans la sénescence cellulaire. « FaceAge pourrait représenter un biomarqueur visuel de l’âge biologique, distinct du statut fonctionnel tel que mesuré par les scores ECOG », expliquent les auteurs.
Des validations supplémentaires sont cependant nécessaires avant toute intégration clinique. Des biais possibles liés aux bases de données d'entraînement — issues de personnalités publiques — ou à la variabilité des conditions de prise de vue devront également être mieux encadrés. L’équipe insiste sur les enjeux éthiques de cette technologie, notamment le risque de mésusage hors du cadre médical.
L’étude a été soutenue par les National Institutes of Health (NIH) américains et le Conseil européen de la recherche.